Une invitation (2nd partie)

Neala progressait maintenant à vive allure dans la forêt malgré les appels de Calyso qui se confondait en excuses et qui pestait après moi, demandant à haute voix si je pouvais l'entendre ce que j'avais bien put raconter comme ânerie pour faire fuir notre invitée de la sorte.

Au bout de quelques minutes dans la forêt, je me décidais à apparaître, agrippant le bras de la jeune magicienne pour la tirer vers moi.

"Neala, attends."

Je me retournais de temps à autre, le coeur battant, espérant qu'il ne me suivrait pas. Il fallait que je m'éloigne, que je me trouve un endroit où m'installer pour le reste de la nuit, mais la forêt entourant leur cité ne me semblait plus aussi accueillante qu'à mon arrivée. 
Cela ne faisait qu'empirer l'état dans lequel j'étais.

Je sens quelqu'un m'agripper le bras et espère que ce ne soit pas Helevorn. Mais mon espoir est à nouveau déçu. Je ne cherche pas à me libérer, ni à créer une boule de lumière, vu ce qu'il a fait de la dernière, je n'irais pas loin. 
Alors, je me contente de fermer les yeux.

-Laisse moi s'il-te-plait.

"Je crois que nous nous sommes tous les deux blessés..."

Glissant deux doigts sous son menton pour lui relever la tête, cherchant son regard.

"Je ne voulais pas. J'ai été indélicat, pardonne-moi..." jetant un œil à la forêt froide et inquiétante autour."Je t'ai fais venir, je ne veux pas être celui qui te fais fuir...Tu risques de te perdre ou bien pire que ça à cette heure de la nuit...retourne avec moi au domaine, je te laisserais ma chambre pour que tu puisses t'y reposer..." fouillant dans un replis de ma ceinture, lui tendant un objet de métal."Voici la clé...Tu pourras partir demain si tu le souhaite, quand il fera jour."

-Je ne suis pas blessée.

C'est un mensonge, mais il n'est pas obligé de le savoir.
Tout comme je ne suis pas obligée de le regarder dans les yeux même s'il voudrait que cela arrive. Non, je ne suis pas obligée, et je dois tenir... Quoi ? Même pas une minute ?
Ca commence par un petit regard, pour voir s'il est sincère. Mais trop rapidement je me retrouve piégée. 

J'ouvre la bouche pour répondre, la referme, hésite.
Je n'ai pas tellement envie de rester dans cette forêt toute la nuit, et je commence à avoir froid. Dans la taverne, avec la chaleur humaine, ça allait, mais ici, il n'y a rien. Juste la froideur de la nuit.

Je me sens piégée, quoi que je fasse. 

-D'accord.

Sa peau frémit sous la caresse du vent. Les mots qu'elle prononcait ne reflètaient pas la réalité, sa réalité, ce qu'elle ressentait au fond d'elle, je le savais, je la ressentais à cet instant aussi clairement qu'on voit à travers un cours d'eau clair. Elle résista dans une profonde lutte intérieur avant de laisser s'échapper un "D'accord" vaincu, qui s'échoua sur ses lèvres.

Détachant les liens de ma cape, je l'entourais de la chaleur de mon corps restée dans ses fibres, la serrant contre ses épaules nues, mon regard dans le siens.

Plongeant dans ses yeux d'or quelques instant, je finis par avancer dans le bois.

"Suis-moi.."murmurais-je, comme un souffle sur sa blessure.

Mon merci se perd dans la nuit. L'ai-je dit assez fort pour qu'il l'entende, l'ai-je seulement laissé échapper de mes lèvres ? Je ne crois pas l'avoir rêvé, et peut-être peut-il le lire dans mes yeux. 
Je saisis les bords de sa cape et sens sa chaleur se répandre. 

La méfiance est encore là, en moi, mais moins forte. Je me laisse emporter sans résister, sans mot dire, les yeux au sol, prête à m'enfuir à tout moment.

La tension était palpable, je la sentais méfiante. Un geste qu'elle n'aurait pas anticipé et ça aurait été la fuite, bien que si je l'avais décidé elle n'aurait pas été bien loin ; mais il n'était pas question de la faire prisonnière, simplement de la protéger au moins pour quelques heures..

Je cheminais donc en direction de l'orée du bois, silencieux, surveillant de temps à autre d'un coup d'œil par dessus mon épaule qu'elle me suivait toujours.

A notre retour, le Domaine avait retrouvé sa torpeur. Calyso avait dû abandonner ses recherches pour partir se coucher. Nous étions seuls dehors, éclairés par la seule lueur des étoiles.

Passant le porche d'un bâtiment, je gravissais les marches jusqu'à ma chambre, me postant a côté de la porte.

"C'est ici."

Je fais tourner la clé entre mes doigts. Maintenant que je suis devant la porte, il me parait plus difficile de continuer. Une chambre, c'est personnel, une partie de soi. 
Et il me laisserait la voir ?

Mais peut-être que sa chambre est impersonnelle, servant uniquement pour le repos du guerrier. 

Je me tourne vers sa porte, tournant légèrement le dos à Helevorn et ouvre sa chambre.

Neala me tourna le dos pour pénétrer là où personne n'avait jamais mis les pieds à part moi. Je ne lui avais rien dis car je ne voulais pas la faire se sentir privilégier après la blessure que je semblais lui avoir faite.

Mes mâchoires se serrèrent, mon regard scintilla brièvement dans l'obscurité du couloir, je sentais son parfum, ses secrets, sa peau si proche...

Elle se retourna me faisant face.

Quelque chose me poussait et me retenait tout en même temps. Je cherchais quelque chose pour faire diversion à moi-même.

"Partiras-tu sans retour demain ?" murmurais-je

La porte est ouverte, je n'ai qu'un pas à faire, et pourtant je me retourne, repousse encore le moment d'entrer.
Je plonge mon regard dans le sien, cherchant l'assurance que je peux y entrer.

Mes yeux se détournent lorsqu'il parle à nouveau.
Partir sans retour ? Je ne crois pas.

Mon coeur balance. Tout avait bien commencé, avant qu'il ne pénètre dans mon esprit. Le poids de ses mots n'aurait pu être plus fort s'il les avait prononcé à haute voix.
Mais j'avais envie de parler à Calyso, et de le connaitre un peu plus, lui, ses compagnons.

-Si ton histoire est bonne, je reviendrais...

Je fronçais légèrement les sourcils, ne sachant pas si mon histoire l'effrayais ou l'inciterait à revenir.

Dans tous les cas, elle voulait la connaître, et la proposition que je lui avais faite à la taverne était toujours d'actualité.

"Puis-je entrer ?"

Elle s'écarta pour me laisser passer. Je m'asseyais sur le bord du lit avec elle et lui raconta tout ce que j'étais en mesure de lui dire.
Elle resta muette face a mes révélations, les yeux perdus dans le vague.

Le jour pointait déjà à travers la fenêtre, projetant sur le parquet une lueur diaphane.

"Reste pour te reposer, la nuit a été courte..."

Je me dirigeais alors vers la sortie pour la laisser méditer sur la suite...

Je n'avais su comment réagir après qu'il m'eut raconté son histoire. Je n'arrivais pas à imaginer que l'on puisse survivre à tant de souffrance. Comment pouvait-il encore regarder une femme sans avoir envie de la tuer, pour se venger ?
Je comprenais mieux à présent la réaction qu'il avait eu à propos de l'esclavage.

Il fallait que je lui présente mes excuses...

Je m'étendis sur son lit, oubliant d'ôter sa cape tant ses révélations m'avaient frappé. Comment réagir ?
J'étais fatiguée, mais je ne pouvais dormir. Trop de questions me traversaient l'esprit. Et, quand, enfin, je m'endormais, c'était d'un sommeil sans rêve, entrecoupé de nombreux réveils en sursaut.

Je ne savais depuis combien de temps j'étais dans sa chambre.
Loin d'être repue de sommeil, je savais cependant que je ne pourrais plus dormir, et qu'il me fallait marcher, sortir, prendre l'air.

Me levant du lit, je détachais sa cape et la pliais avant de la déposer sur son lit.

Je refermais sa porte à clé en sortant. Je pouvais la laisser là, où la donner à la première personne que je croiserais, puis partir.
Mais je ne pouvais pas. Quelque chose m'incitait à aller le voir, au moins pour m'excuser.

Ne me restait plus qu'à le trouver...

Toute la journée j'étais resté seul dans la forêt. L'histoire que j'avais raconté à Neala m'avait épuisé psychiquement, et j'avais eu besoin de me ressourcer au contact de la terre.

Je n'avais pas fermé l'œil une nouvelle fois, je ne dormais presque plus depuis des jours, submergé par l'expression de mon ascendance démoniaque, et je m'étonnais d'ailleurs d'avoir réussi a me maîtriser au contact de la jeune prêtresse.

Tout au long de la nuit, j'avais pu m'imprégner de son aura, et c'est au crépuscule que je la sentis se déplacer, et chose inattendue, me chercher...

Elle marchait lentement dans le domaine, me cherchant des yeux. Elle n'avait plus ma cape sur ses épaules et tenait la clé de ma chambre dans sa main.

Si elle avait voulu fuir, elle l'aurait fait sans prendre la peine de me remettre cette clé en main propre...

Sortant de quelques pas de la forêt, je me montrais à jour, la brise du soir caressant mes cheveux d'argent. Ses yeux s'arrêtèrent sur moi, elle resta un instant immobile, peut être hésitante, mais se décida à me rejoindre...

"Bonjour...ou plutôt bonsoir Neala.."

Je ne sais pas trop ce à quoi je m'attendais en le voyant. Peut-être m'apercevoir que mon regard sur lui avait changé, ou peut-être le voir sous un jour nouveau que mon ignorance m'aurait caché.
Mais il n'en était rien. Il était comme je l'avais vu la veille.

Un léger soupir s'échappa de mes lèvres. Ni soulagement, ni déception. Seulement pour essayer de relâcher la pression que je ressentais.

Je m'avançais lentement, ne sachant comment lui parler, ni quoi lui dire. Pire encore pour mes nerfs, ne sachant pas comment lui allait m'accueillir.

Arrivée à un pas de lui, je stoppais et lui tendis sa clé.

-Merci de m'avoir laissé me reposer chez toi.

Regardant le sol, je continuais d'une petite voix.

-Excuse moi pour hier, j'ai parlé sottement et d'un air insouciant d'esclavage. Même si tu n'en avais pas subi, je n'aurais pas du parler ainsi.

Ses mots d'excuses me tirèrent un léger sourire.

"Tu ne pouvais pas savoir, mais je te remercie pour tes excuses...Comme je te l'ai dis la nuit dernière, nous nous somme blessés l'un après l'autre, en revanche, si moi je t'ai révélé beaucoup de moi, toi, tu ne m'a rien dis sur toi..."

Refermant sa main sur la clé qu'elle me tendait.

"Peut être voudras-tu passer une vraie nuit de sommeil cette fois-ci...la nuit tombe déjà."

Elle s'éloigna un peu, tentant de prendre de la distance avec les questions qui risquait de suivre.

-Je sens que je ne pourrais pas dormir, pas tout de suite tout du moins...

Je retirais ma main de la sienne, gardant sa clé avec moi et m'éloignais un peu.
Il attendait sans doute que je parle, et j'essayais de repousser un peu le moment. Mais si je voulais recevoir, il fallait aussi que je donne.
Croisant mes bras sur ma poitrine, je tournais mon regard vers lui.

-Que souhaites-tu savoir ?

"Ce que tu jugeras bon de me dire pour le moment..." me refusant à la brusquer, la sentant trop tourmentée pour l'instant.

Je ne tenais devant lui, sans rien dire, me mordillant la lèvre.

-Neala n'est pas mon vrai prénom.
Ceux qui sont choisis par l'Unique doivent en changer. C'est comme une renaissance d'après les anciens.
Je vois plutôt ça comme une perte de son identité.

Ma mère était fière de mes yeux, elle pensait que c'était un don de l'Unique. Elle aurait aimé être choisi, alors quand elle a appris que je l'étais, forcément, elle était heureuse.
Mais, une fois dans le Temple, tu dois oublier ta vie d'avant, te couper de toute attache. Elle n'a pas pu le supporter. Non pas parce que je lui manquais. Plutôt par jalousie.

Pourquoi m'avoir choisi moi et pas elle ?
Elle faisait trop de bruit, racontait des choses au peuple qui ne plaisait pas aux anciens. Elle devenait gênante.
En principe, les anciens se contentent d'exiler ce genre de personne. Ils n'ont pas eu à le faire.
Elle se serait suicidé.

Je marque une pause, essayant de savoir ce que je ressens.

-J'ai été séparée d'elle très tôt. Je ne me souviens pas vraiment d'elle.
Sa mort ne m'a que peut affecté.
On me disait que je n'avais de toute façon pas le temps de m'y attarder. L'Unique avait de plus grands projets pour moi...

J'ai passé toute ma vie dans le Temple. Ils y lavent le cerveaux des gens qui y rentrent. Ils te font faire des choses au nom de l'Unique.

Une grimace de dégoût passe sur mes traits.

-J'ai essayé de faire changer les choses, mais une femme contre un peuple tout entier ne pèse pas lourd.

Un matin, les gardes sont entrés dans ma chambre, m'ont mit un tissus sur le nez et la bouche. Je me rappelle avoir perdu connaissance et mettre réveillée sous une tente, bien loin de chez moi.

Elle me livra finalement bien plus que je ne l'espérais. Le flot de ses paroles se déversait devant moi, fluide et limpide comme une évidence, comme ce qui m'avait semblé percevoir d'elle.

L'Unique, Dieu des Dieu était dévoilé sous un jour dont certainement peu de personnes osaient parler, et c'était là la raison de son exil. De son arrivée dans ce désert inconnu et inhospitalier.

Elle devait recommencer une nouvelle vie, avec tout le poids de son passé, comme moi...

Je l'observais, la berçant d'un regard invitant à la confidence.

"Puis-je connaître ta véritable identité ? Je préférerai autant t'appeler par ton véritable prénom, et non celui qui t'a été imposé par le culte..."

Je désirais désormais savoir à quelle femme j'avais réellement à faire..

-J'ai appris à aimer mon nouveau prénom, dis-je dans un haussement d'épaule.

Mon regard passait d'Helevorn aux choses qui nous entouraient, avant de repartir à nouveau vers lui, et ainsi de suite, sans que je sache si j'allais accéder à sa demande.
Je ne me rappelais pas l'avoir déjà entendu dans la bouche de quelqu'un d'autre que ma mère.

Si je lui disais, ne serait-ce pas renoncer à toute ma vie jusqu'à présent ? Ce serait comme ignorer tout ce que l'on m'a appris jusque là.

Regardant à nouveau Helevorn, une évidence m'apparu. Je n'étais plus là-bas, au Temple, ils m'en avaient chassé. Pourquoi respecter une chose qui ne me respectait pas ?

-Je m'appelle Ciara Eabha.

Une nouvelle hésitation avant qu'elle cède à ma demande.

"Ciara" répétais-je doucement, la regardant comme si je la voyais pour la première fois, la défaisant du voile de mensonge qui l'avait entourée auparavant.

La musique de son véritable prénom était incomparable à son autre. Neala se voulait douce, calme, mélodieuse et pleine, prête à tout accepter, emprunte d'une innocence qu'elle n'avait sûrement pas en réalité.
Ciara avait incontestablement plus de caractère, le "C" la rendait tranchante, vive, implacable et pourtant sa terminaison englobait la chute d'une voyelle ouverte sur l'extérieure, sur un monde qu'elle n'avait découvert que sous une fausse identité, et qui s'étalait désormais à ses pieds...

Son nouveau prénom augurait une nouvelle vie qu'elle devait accepter. Elle n'avait plus à s'encombrer de cette "couverture"...

Mon regard se posa sur son corps, sur sa tenue, remontant jusqu'à son visage.

"Qui es-tu véritablement, Ciara ?..."

Par ma question, j'attendais qu'elle se libère de Neala et de ce qu'on avait tenté de lui inculquer durant ces années d'asservissement au culte de l'Unique, car elle aussi l'avait vécu d'une certaine façon...J'attendais qu'elle se montre à moi sous son véritable jour, en pleine lumière ou livrée dans l'ombre, peut importe ce qu'elle déciderait, maintenant qu'elle était libre...

Entendre mon prénom de sa bouche me plu. C'était comme si on me rendait enfin ma vraie personnalité, qu'on me permettait de devenir moi-même.
Mais il était difficile de faire comme si je n'avais rien vécu jusque là. Des années sous le couvert de Neala ne pouvaient disparaître si rapidement. Pas comme ça, d'un seul mot.

-Tu garderas ce que je t'ai dit pour toi ?
Je ne suis pas prête à me livrer entièrement. Pas encore.

Je ne peux pas ignorer tout ce qu'on m'a apprit jusque là.

Son regard me gênait, alors je m'en détournais, et levais les yeux au ciel.

-Je crois que des actes valent mieux que des mots pour savoir qui je suis.

Un hochement de tête soutenu d'un regard franc en guise d'engagement à garder le silence. J'ajoutais néanmoins :

"Mais laisse moi t'appeler par ton véritable prénom lorsque nous sommes seuls.."

Elle acquiesça presque timidement avant de fuir à nouveau mes yeux pour se perdre dans la lueur du couchant, pastel, orangé et cyan, teinté de rose.

Des actes.

Ses mots éveillèrent bien évidemment ma curiosité, et elle ne l'ignorait pas.

"Montre-moi..." rétorquais-je simplement, comme un défi dissimulé.

Lui montrer...

-Au Temple, lorsque l'on ne faisait pas les choses comme il le fallait, on nous punissait. Pas aussi durement que toi heureusement...

Je partis vers la forêt, espérant qu'il me suivrait, et me faufilais entre les arbres en essayant de faire le moins de bruit possible.

-La magie que l'Unique nous accorde ne doit être utilisée que pour lui.

Mon visage s'assombrit alors que je récite ce qui m'a été appris. Pourquoi nous donnerait-il un pouvoir, si ce n'est pour aider ceux qui en ont besoin ?

En marchant, je touche du bout des doigts les plantes qui se dressent dans la forêt, libérant un peu de ma magie, les illuminant un instant. Elles semblent se redresser, nous regarder avec des yeux que nous ne voyons pas. Elles se tendent vers Helevorn, le touche, avant de disparaître dans une gerbe de lumière et de réapparaître à leur place originelle, comme s'il ne s'était rien passé.

Punition ? Laquelle ?

Elle passa à côté de moi, le visage bas, et s'engouffra dans la forêt baignée par la lumière du crépuscule. Je la suivis. Elle se faufila entre les arbres, les branches, les fougères, si délicatement qu'on aurait put croire qu'elle avait peur de les abîmer à son passage.

Je me répétais ses mots pour être sûr de bien en saisir le sens, quand Ciara tendit le bras pour atteindre du bout des doigts les plantes qui jonchaient sa route. Elles oscillèrent, puis s'animèrent sous mon regard surpris. La prêtresse se tourna vers moi. Je m'arrêtais et restait immobile, surveillant les végétaux qui se tendaient lentement dans ma direction.

J'étais sur mes gardes. L'esprit de la forêt sait se faire calme mais sait aussi se déchaîner, et parmi toute cette flore, j'aurais bien du mal à m'échapper si ce qu'elle avait déclenché avait pour fin ma mort...
Sous ses airs doux, j'ignorais tout d'elle, et d'expérience, je savais au combien il était dangereux de se fier uniquement à ce que la vue pouvait discerner.

Les plantes vinrent me toucher délicatement avant de se recroqueviller brusquement sur elles-mêmes dans une gerbe de lumière.
Comme si elles s'étaient blessées à mon contact..

Après avoir jeté un œil à mon armure et mes vêtements, je levais les yeux sur Ciara.

"La magie qui t'a été apprise est lumière. Le nom qui t'a été donné est douceur. Ciara, n'est-tu que lumière et douceur ?"

Ma remarque se voulait délibérément provocatrice.