Jeune étourdie

Un sourire à son attention.

"Tu as raison. Le sommeil repose l'esprit, parfois...quand il n'est pas en proie aux cauchemars."

Les ténèbres se diluent peu à peu, rendant le ciel plus clair. Reprenant ma bouteille, je la débouche et en bois une nouvelle gorgée avant de la ranger, essuyant ma bouche d'un revers de main, je garde toujours un œil sur les mouvements de la guerrière.

"A quoi rêves-tu Luxiya ?"

J'eus un sourire triste

-A des êtres qui m'étaient chers, je retrouve leur souvenir dans mon sommeil, cela me réconforte... j'ajoutai avec un sourire plus joyeux à ma vie de maintenant, mes nouveaux compagnons, à tout et n'importe quoi.

me tournant vers lui, je l'observe un moment avant de demander timidement

-Dis moi, à tu des êtres auxquels tu tiens vraiment? pour qui tu serais prêt à tout?

Sa question me laisse interdit. Une incomplète et brève revue des personnes qui ont compté dans ma vie défile. L'abandon, la rupture, la mort m'ont pris tant de gens...

Dans mon présent, l'image d'Exoriel se projette, et celle des autres femmes que j'ai côtoyé...l'image d'Ignis me revient en tête. Mon regard s'assombrit.

"Oui...il y en a..."

Je plonge mes yeux dans les siens, encore si baignés d'insouciance, pourtant je sens que la pure innocence en elle a été salie, même si j'ignore comment, je sens poindre quelques meurtrissures au fond de ses prunelles.

"Où sont tes parents ?"

Je sais que ma question amènera forcément quelques larmes, aussi invisibles soient-elles...

Mon visage se crispe légèrement à la question. Je baisse les yeux, des souvenirs revenant doucement, douloureusement

-Je ne sais pas, je voudrais le savoir... le regardant à nouveau et toi? tu n'as pas de famille?

Abandonnée, perdue ?...

Je ne lui demanderais pas, pas cette fois.

"Non, je n'en n'ai jamais eu. Je suis un loup solitaire." pensant à la compagnie féminine que j'ai en ce moment, je souris. "Enfin..." je secoue la tête puis m'allonge sur le dos, la tête posée contre mon bras replié, sans rien ajouter.

Tombé du ciel. Ses mots me tirent un rire clair. Je la regarde, à l'envers, ses doigts effleurent la peau de mon visage. Je lui souris.

"Je ne suis pas tombé du ciel non, c'est tout l'inverse..." peut être comprendra-t-elle l'allusion. "Et cette lumière que tu sembles voir..." fuyant ses yeux "...ce n'est que...je ne sais pas. Ma vie est si longue, j'ai vécu plusieurs vies d'homme, les épreuves noircissent le cœur mais parfois...il suffit d'une caresse pour essuyer les ténèbres..."

Sa caresse me surprend mais n'est pas moins désagréable. Elle s'éloigne rapidement et reprend son sac.

Il fait jour oui, il est tôt, les cris des oiseaux déchirant le ciel l'indique.

Je me redresse, remettant mon arme dans mon dos et ma sacoche sur mon épaule. Je me rapproche ensuite d'elle.

"Nulle lumière n'existe sans ténèbres..."

Je marche ensuite vers le bord, vers le vide, le cœur lourd en pensant à ma vie, aux épreuves à venir. Le bout de mes bottes s'arrête dans le vide. J'écarte les bras, et bascule subitement en avant.

Me jeter dans le vide pour rejoindre la terre ferme après un petit passage entre les branches touffues de ce bon vieux chêne séculaire est un de mes pêché mignon. Dangereux certes, mais grisant. Et beaucoup plus rapide et moins fastidieux que de passer par les façades.

Je commence mon saut de l'ange, me délectant déjà des sensations d'un cœur soulevé par la vitesse de la chute quand une main me happe, me retenant fébrilement. Luxiya !

Je lui fais un clin d’œil et d'un geste adroit du poignet lui fais lâcher sa prise, tout en prenant une légère impulsion sur la façade dont j'avais éprouvé la dureté contre mes genoux quelques secondes auparavant. Un sourire se dessine sur ma bouche tandis que je pars en arrière et tombe à une vitesse vertigineuse droit sur l'arbre.

Le bruissement des feuilles qui claquent, des brindilles qui craquent m'enveloppent, me fouettent le visage et le dos. Mes fesses rencontrent l'angle d'un nœud, premier bleu, me faisant basculer sur le côté, puis je me retrouve d'un coup le souffle coupé une branche en travers des abdominaux dont je bénis un instant la dureté, sans quoi j'aurais pu me briser une côte. Je reprend mon souffle, une grimace, et je descend ensuite le long du tronc, avant de m'étaler au sol à plat dos, une main posée sur mon ventre, regardant les feuilles arrachées voleter jusqu'à moi, se posant sur mon corps et de part et d'autre de ma tête. Un sourire satisfait raye mon visage.

Le visage de la guerrière apparait au dessus de moi. Sa remarque moqueuse me tire un sourire narquois, je prend la main qu'elle me tend et la tire vers moi la faisant tomber a ma place tandis que je me relève. J’époussette mes vêtements d'un air détaché et lui souris d'un air charmant.

"Merci pour ton aide."

Et m'éloigne direction la taverne.

Je la sens accourir derrière moi, pour se venger évidemment, elle m'attrape par les épaules, me tire en arrière, et tente de me faire chuter. L'idée de résister me traverse, mais je décide de la satisfaire, de lui faire prendre le plaisir qu'elle peut retirer en me voyant tomber, vu tous les tours que je lui ai joué depuis le départ.

Je n'oppose aucune résistance et fait mine de chuter, en bon comédien que je suis. Je laisse même échapper un :

"Oulala tu m'a fais tombé, quelle force tu as !"

Toujours jouer dans le registre de la crédibilité et de la flatterie sans jamais y déroger pour contenter le jeune public qui rit déjà aux éclats en détalant à toute vitesse.

Pour un peu je suis tenté de pousser l'interprétation jusqu'à me relever feignant un dos courbé comme une vieille dame mais je m'abstiens, Luxiya étant déjà devant la porte de la taverne.

Je la rejoins le sourire aux lèvres, pousse la porte et l'invite galamment à entrer.

"Si mademoiselle veut bien se donner la peine."

Sa main fend l'air sans réussir à m'atteindre, il aurait fallut qu'elle saute pour parvenir à me frapper. Je lui lance un regard d'avertissement sans ajouter un mot puis m'assois à une table accompagné de la petite tête de linotte.

Les étoiles devraient bientôt arriver...

Les premiers rayons du soleil transperçaient les branchages du vieux chêne. Une énième nuit agitée s'achevait pour moi. Sans savoir pourquoi j'avais l'impression de ne pas avoir été seul cette nuit.

Oh, je savais bien qu'Helevorn ne dormait pas, c'était devenu normal même si j'ai mis du temps à m'y habituer. Mais il n'était pas seul la nuit dernière.

Je descendis rapidement, épousseta quelque peu mes frusques et me rendit vers la taverne. J'avais un appétit d'ogre et je comptais bien me faire un royal petit déjeuner.

En poussant la porte je remarqua un petit bruit bizarre au niveau de la serrure. Hel' a encore piqué des bouteilles cette nuit, songeais-je.

Un regard à l'intérieur pour voir notre Etoile Noire en charmante compagnie.

Bien le bonjour Hel', à toi aussi jeune Luxiya, vous êtes bien matinaux tous les deux je trouve.

M'éclaircissant la voix, me demandant s'il avait l'esprit assez clair pour imaginer quoi que ce soit entre elle et moi.

"Hum..Bonjour mon Roy. Oui effectivement" jetant un oeil à la guerrière "j'ai trouvé cette jeune personne égarée dans nos bois, et j'ai jugé bon de la ramener au Domaine."

Un grand éclat de rire matinal. Quel aplomb cette jeune femme.

Et en plus tu as du l'humour. Hel' a bien fait de te ramener par ici. Je me prénomme Ombre et te souhaite, au nom des Etoiles, la bienvenue par ici.

Je saisie une chaise et m'asseois à leurs côtés en faisant un signe au tavernier d'apporter de quoi se restaurer.

Alors Luxiya, ça te prend souvent de t'endormir au creux d'un arbre dans une forêt inconnue?

Petit sourire malicieux.