Tentative de sociabilisation -Rhapsody-

J'entends des pas se rapprocher. Ce ne sont pas ceux de l'Aqueu, la démarche est bien trop gracieuse. Une douce chaleur se glisse dans ma main. Je tourne immédiatement la tête et trouve Rhapsody jetant un regard glacial au guerrier avant de me gratifier d'un magnifique sourire...

J'aurais presque pu croire son geste sincère si je ne commençais pas a connaître son goût prononcé de la provocation.

Elle donne une leçon à Bibsou à ma place, je ne peux m'empêcher d'esquisser un léger sourire de contentement tout en continuant ma route vers les thermes.

Je rentre dans son jeu et l'entraîne là où le regard de l'homme ne peut plus nous atteindre.

Ce moment de complicité fut plaisant, mais maintenant que nous nous trouvions devant la porte des bains, la joute allait reprendre de plus belle, je le savais.

Je lâche sa main et entre-ouvre la porte d'où s'échappe une douce brume. Sondant son regard en souriant avec un petit air de défis, je finis par m'engouffrer dans le couloir direction les vestiaires.

Me suivra-t-elle ? J'en doute fort. Ceci dit, une seule chose m'importe pour le moment : me prélasser dans l'eau chaude de la source...

(suite dans les thermes avant de lire ce post)


Bibsou et Calyso sont attablés. J'avance dans leur direction Rhapsody dans mon sillage, la tête un peu baissée, marchant dans mes pas afin de ne pas trop se faire voir.

Je m'arrange pour ne croiser aucun de leur regards tant que je ne suis pas installé.

Prenant une pose décontractée, je souris à Calyso, espérant qu'elle ne remarque pas les salissures sur la robe de mon invitée. Je prend d'ailleurs soin de croiser mes jambes afin que les siennes soient dissimulées à son regard.

Une profonde inspiration puis je tourne le visage vers Rhapsody, qui je sens s'apprête à dire quelque chose.

Je suis Helevorn jusqu’à la taverne, prenant soin de cacher la robe au regard de sa propriétaire… Je n’ai pas spécialement envie de recevoir des remontrances immédiatement. Voir Bibsou qui accompagne Calyso m’angoisse un peu plus, mais je prends place à côté de mon hôte, laissant son corps faire barrière entre ses compagnons et moi.

Moi, lâche ? Et pourquoi pas ?

Tentant de faire le vide en moi, j’offre mon plus beau sourire à Calyso, espérant que cela suffira.

« Je vous prie de m’excuser Dame Calyso… Un imprévu m’a retenue plus que ce que je ne l’aurais souhaité, me gardant loin de vous et de la promesse que je vous avais fait de revenir vite. »

J’abaisse le regard en une maigre tentative de rédemption. Nouvelle angoisse qui grimpe en moi.

Calyso se montre d’une gentillesse exquise avec moi, m’invitant à parler un peu de moi. Je décide de répondre en toute sincérité, désireuse de ne pas jouer avec celle qui a su se montrer si indulgente et accueillante envers moi.

« En toute sincérité, si je suis venue, au départ, cela ne correspond qu’à des raisons pratiques… J’étais fatiguée hier soir, et votre demeure était plus proche que toute autre taverne, c’est la raison pour laquelle Helevorn m’a invitée en ces lieux.

Toutefois, j’ai rapidement pensé que cela me permettrait aussi de découvrir un peu des gens qui parcourent ces terres. Jusqu’à présent, je ne me suis que peu liée à d’autres personnes… Venir ici était une occasion de faire des connaissances.

Quant à vous… j’avoue ne pas savoir par où commencer. J’ignore tout de vous. Parlez-moi un peu de vous s’il vous plait. »

Au fur et à mesure que je parle, je me rends compte que je n’ai rien demandé à Helevorn jusqu’à présent… Un peu honteuse, je me concentre toutefois sur mon interlocutrice, tentant de passer outrer la présence de mon hôte à quelques centimètres à l’idée que Calyso pourrait imaginer les raisons de mon retard…

Je lui rend son sourire. La voici qui se dévoile peu à peu, le voile s'estompe milimètre par milimètre. S'ouvrant à ceux qui l'entoure, elle commene à poser des questions.

"Et bien j'ai été élevée dans le temple de Posicillon à Aqua. J'y ai appris les préceptes pour devenir prêtresse, notamment la magie curative et tout ce qui touche au soin. A la fin de mon apprentissage j'ai quitté la ville de l'Eau et j'ai attéri ici, parmi les Constellations. J'y exerce mon rôle de guérisseuse et aussi celui de cuisinière comme vous avez put le constater. Je passe aussi beaucoup de temps à la cueillette de plantes curatives et d'herbes arômatiques. Enfin je maitrise la magie de l'Eau, aussi bien solide que liquide ou vaporeuse.

Quant au guerrier assit près de moi, il s'agit de Bibsou, venant lui aussi d'Aqua et étant mon fiancé. Il s'occupe de la fabrication de la bière naine et du potager quand il n'est pas en train de guerroyer ou miner.

Si vous avez des questions plus précisez, n'hésitez pas."

Et sinon, vous, d'ou venez vous ?"

Elle me parle de sa vie, de son passé, de son présent. Rencontrer des gens normaux et parler de leur vie, doux rêve qui se réalise. Je l’écoute avec attention, enregistrant ce qu’elle me dit, faisant par là-même connaissance avec le guerrier.
A la question me concernant, j’hésite un instant. Que révéler sans plonger dans mes souvenirs ni me faire passer pour une malheureuse, considérant que j’abhorre la pitié que l’on peut m’offrir lorsque je parle de mon passé. Je décide de relater une version allégée des incidents regrettables.

« J’ai grandi dans une ferme isolée sur une terre fertile. J’y ai passé ma jeunesse, apprenant le maniement des lames comme mes frères dans le but de protéger convenablement la demeure familiale. J’aurais pu devenir une guerrière ainsi que mon père l’aurait aimé. Toutefois, je n’ai pas répondu à ses critères. Avant d’avoir pleinement maitrisé son art, j’ai quitté le domaine. Après quelques temps passés à vivre de ma chasse, j’ai fait le choix de sombres arcanes auxquels quelques tendances me prédisposaient.

Ayant toujours vécu de sa fécondité, j’ai rejoint Terra. Et me voici devant vous, sans talent particulier. »

Plutôt satisfaite de ma version qui ne représente qu’un doux euphémisme de ce que j’ai vécu… Pourtant, personne ne connaîtra jamais ce que j’ai traversé. Je crains de connaître un regard sans cesse apitoyé sur moi.

J'écouta attentivement le résumé qu'elle nous fit de sa propre vie. Elle ne souhaitait pas entrer dans les détails, tout comme moi. Aussi je ne posa pas d'autres questions afin de ne pas l'embarrasser.

"si tu as besoin de conseils en matière de magie noire, nous avons quelques nécromants expérimentés dans le domaine. Quand ils viendront tu pourras leur demandés des éclairsissements. Et au pire nous irons les tirer du lit."

Une famille de fermiers. Voilà d'où lui venait sa technique approximative.

Un regard vers Calyso. J'en apprend plus sur mon invitée grâce à elle que grâce à moi-même. Il faut avouer que nous nous sommes plongés dans un jeu de provocations dés le départ, nous empêchant de nous dévoiler un tant soit peu.

La prêtresse lui propose ensuite l'aide des nécromanciens étoilés, chose à laquelle elle réponds d'un hochement de tête et d'un sourire.

"En parlant de maniement de l'épée, si vous voulez reprendre l'entraînement dans la journée..."

Je laisse ma phrase en suspend, motivé par l'idée de ne pas la laisser sur l'échec d'hier soir.

Sa remarque me tire un sourire amusé.

« Je vous remercie, mais je ne tiens pas à affronter un nécromancien irrité par un réveil impromptu... Ces bêtes-là sont déjà suffisamment dangereuses sans ça. J'attendrai donc que l'un d'eux se manifeste. »

J’ai une pensée pour mon propre réveil de ce matin où j’ai été quelque peu sur la défensive… A ce souvenir, je jette un regard à Helevorn qui m’a proposé précédemment une sorte de revanche, même s’il appelle ça entrainement. L’idée me tente énormément, désireuse que je suis de lui prouver que je dispose de plus de ressources que ce qu’il n’a pu entrevoir jusqu'alors, et même si je doute parvenir à le désarmer, je peux tout du moins offrir un combat respectable, malgré mes années passées sans pratique.

« Ce serait un réel plaisir que de reprendre cet entrainement avec vous car je pense avoir beaucoup de choses à apprendre à votre contact. »

Le regard que je lui lance se fait énigmatique.

A ses mots je détache mon visage alors posé sur ma main et lui souris avec satisfaction.

"Sans le moindre doute..."

Un peu d'action...

Pas que je n'aime palabrer des heures sur la vie des uns et des autres, mais mes muscles réclament un peu d'exercice après s'être détendus dans le calme reposant des bains.

"Quand souhaitez-vous y aller ?"

La tension s’accroit dans mes muscles tandis que l’excitation d’une nouvelle rencontre fait jour en moi. Prendre ma revanche.

« Quand vous le désirez, je suis à votre entière disposition… »

Nouveau regard appuyé, avant de détourner mon attention vers Calyso.

« M’excuseriez-vous ? J’ai des comptes à régler avec cet homme, notamment pour le poignet que vous avez soigné ce matin. Toutefois, si vous pouviez ne pas trop vous éloigner… dans son intérêt à lui bien entendu… »

La grimace que je fais en cet instant dément complètement mes propos, sachant très bien que si blessure il y a, elle sera probablement mienne. Toutefois, je n'ai pu m'empêcher cette nouvelle bravade bien innocente.

« J’ai pris beaucoup de plaisir à discuter avec vous Calyso, et j’espère que nous aurons l’occasion de faire plus ample connaissance. »

« Maintenant. »

Ne perdons pas de temps, le fer doit être battu pendant qu’il est encore chaud…

Direction la place. Je me lève, avisant mon adversaire d’un sourire piquant sans prêter trop d'attention au regard appuyé de Calyso, ne voulant rien perdre du plaisir que j'éprouve à l'idée de cette nouvelle confrontation à la dague.

Le lieu de l’entraînement se tiendra non loin de la taverne, sur une place baignée de soleil où trône en son centre un puits.

Ma colichemarde et ma cape au sol, je détend les ligaments de mes bras en les étirant devant moi les mains jointes puis me place face à Rhapsody.

« Puis-je vous emprunter une dague ? »

Une confrontation immédiate. Mon corps frémit à cette idée avant d’être parcouru d’un long frisson d’impatience. Je le suis sans mot dire, me concentrant sur les instants à venir. Calyso est assez grande pour nous rejoindre toute seule, je suis toute absorbée par l’expectative de l’affrontement.

Le désir de revanche est certes bien présent, mais beaucoup plus atténué que ce que je n’aurais pu le croire, surpassé par la volonté de jouer, tout simplement, bien qu’un jeu beaucoup moins meurtrier que celui auquel nous nous sommes livrés dans la matinée. Je sais désormais que ses limites sont bien plus lointaines que les miennes à ce propos, et ne m’aviserai plus de le provoquer en tel territoire…

Un sourire mauvais alors qu’il me demande une dague. Avec une lenteur délibérée, je relève la robe de Calyso jusqu’à ma cuisse, attrapant ma fidèle compagne, puis dans un déclic, fait glisser l’autre lame dans ma main gauche. La présentant garde en avant, je m’approche de lui pour la lui tendre. Au moment où nos mains sont proches d’entrer en contact, je passe à l’attaque, retournant l’arme dans un mouvement souple du poignet tout en glissant ma neigeuse vers son cou dans un mouvement fluide. Le connaissant, il esquivera ce coup sans peine, bien que je ne cherche nullement à l’épargner. Le jeu a évolué.

Je sens son regard brûler d’un désir sournois. Elle prépare quelque chose. Le long pan de sa robe se relève, découvrant la moitié de sa cuisse pour s’emparer de sa lame favorite. Un pas en avant. Un déclic. La seconde apparaît dans sa main, poussée de son écrin mécanique. Elle me la présente par la garde. Un sourire sur ses lèvres. Deux pas. Puis trois. Nous sommes proches, je ne la quitte pas des yeux, sentant planer un danger immédiat. Mes muscles sont tendus. Sans crier gare elle s’élance, se jette sur moi, son arme de neige en avant, l’autre qu’elle vient de retourner dans sa main en arrière, prête à m’assener un coup bien placé si jamais j’esquivais le premier..

Leçon numéro un : surprendre l’adversaire.

Un pas de côté à l’instant même où sa pointe rencontre ma gorge, je saisis son poignet droit utilisant la force de son élan pour la faire partir derrière moi. Une fine ligne sanguinolente raye la largeur de ma gorge. Mon épaule dévie, elle me dépasse entraînée par sa vitesse. Je distingue entre ses omoplates le pommeau d’une dague. Je lance mon bras gauche en avant pour m’en saisir. Mes ongles râpent l’intérieur de son dos, la dureté de l’arme rencontre ma paume, je la tire sèchement hors de son fourreau, puis la fais sauter dans ma main droite au moment où Rhapsody fait volte face.

Une ligne rouge dégouline entre mes pectoraux. Vive piqure. Calyso esquisse un mouvement que je réprime d’un geste. Elle n’interviendra pas maintenant. Mon regard d’émeraude transperce les yeux clairs de la jeune femme.

Désormais armé, je me met en position, attendant qu’elle ose se rapprocher de moi….

Comme je l’avais prévu, il m’esquive, laissant toutefois une nette coupure filer le long de sa gorge. Il profite néanmoins de mon élan pour m’obliger à le dépasser, récupérant la dague entre mes omoplates avec fermeté. Je sens la morsure de ses ongles contre ma peau délicate, laissant probablement des sillons colorés. Elle marque trop facilement…

Tandis que je me retourne pour lui faire face, il est en position, la lame récupérée prête à servir. Je savoure le spectacle des lignes rouges que j’ai laissé sur son corps, tant sur sa gorge que sur son torse. Je me hâte de détourner le regard de ce dernier, trop encline si je restais à perdre toute concentration. Et pourtant, ce n’est pas le moment. Les représailles, désormais que je lui ai prouvé n’avoir aucune pitié, risquent d’être terribles. Pour un peu, la peur de ce qu’il peut m’infliger me ferait fuir…

Pourtant, je vais rester, bien décidée à poursuivre ce combat dans lequel je prends de plus en plus de plaisir. Ma prise sur les dagues se raffermit, faisant blanchir légèrement les jointures de mes mains, d’autant qu’il soit possible que ma peau devienne plus blanche… La neigeuse chante dans ma main, faisant courir le long de mon bras des frissons d’impatience.

Soudain décidée bien qu’avec plus de circonspection maintenant qu’il peut riposter, je lance un nouvel assaut, tentant d’atteindre encore une fois son torse de ma dextre tandis que la sénestre reste dans une garde relative afin de protéger mon propre corps de la morsure de sa lame. Bien que la douleur me soit un vivifiant stimulateur, je préfèrerais pouvoir m’en passer pour le moment. Il doit seul connaître les tourments.

Elle s'élance une nouvelle fois. La désarmer est la première idée qui me vient. Le corps incliné en arrière pour la faire approcher, ma jambe n'aurait plus qu'a se déplier pour percuter de mon pieds son ventre, lui coupant le souffle, me laissant le temps de me redresser pour lui arracher sa dague en lui tordant le poignet.

Trop violent. Et la robe de Calyso...

Je ne devrais pas avoir ce genre de considération maintenant, mais je sais que j'ai le dessus. Inutile de la vaincre en lui faisant du mal. La difficulté que je m'impose maintenant est de trouver un moyen de lui donner une leçon de combat tout en lui épargnant la douleur.

Rude tâche, d'autant qu'elle ne semble pas dans le même esprit que moi. La vitesse avec laquelle elle se précipite à ma rencontre me laisse présager le pire. Je n'y arriverais pas...

Je n'ai même plus le temps de réfléchir.

Mon regard est capté par sa cheville. Sa robe volte dans le vent, et j'y aperçois une autre dague. Au lieu de lui confisquer sa lame favorite pour être à armes égales, je lui en volerais une.

A l'instant où elle arrive, sa lame étincelante au soleil à quelques centimètres de mon torse, je me ramasse sur moi-même et roule sur le côté arrachant au passage la dague de sa cheville. Elle se reprend tout juste avant de tomber, pensant que je voulais la mettre à terre quand elle s'aperçoit que sa dernière lame repose dans ma main gauche, le lacet de cuir arraché à son mollet.

Je me relève dans un nuage de poussière, prêt à lui révéler mes talents d'ambidextre...

Mon assaut se solde par un nouvel échec. Tandis que je suis prête à le frapper, il disparait de ma portée en se jetant au sol. Je sens sa main entraver un instant la course de ma cheville, m’entrainant vers la chute, mais parviens à retrouver mon équilibre avant que le pire ne se produise. Pourtant, lorsque je lui fais face, je me rends compte que son intention était toute autre.

Dans sa main gauche, ma quatrième lame, celle que j’aime à cacher dans mes bottes. Mauvaise idée finalement d’avoir tant de dagues, je lui ai fourni les moyens de se défendre, et ne doute pas un instant qu’il soit aussi doué de ses deux mains… Une douce excitation grimpe en moi tandis que je redoute les issues de ce combat.

Nul doute qu’il ait le dessus désormais. Prenant une longue inspiration, je lui fais face, sévèrement refroidie quant à mes tentatives d’assaut. Un léger sourire étreint mes lèvres, étant donné qu’il m’impressionne réellement dans ce combat, même si je n’ai pas la prétention de constituer une redoutable adversaire. Considérant la différence de niveaux entre nous, je ne peux gagner sans ruser. Chose délicate.

Pour gagner du temps, je reprends la garde que mon père a passé des heures à m’enseigner. Une chose que j’ai gardée de lui, en souvenir des nombreuses fois où elle l’a sauvé en combat selon ses dires.

Dorénavant, je le laisserai approcher, bien décidée à adopter une attitude plus défensive. J’ai beaucoup à apprendre de lui j’en suis sûre, et apprécierai autant ne pas devoir payer trop cher les connaissances que je parviendrai à acquérir.

Elle se met en garde. Le choix de la défense semble le plus judicieux pour elle désormais.

Un sourire en coin. Elle fait le bon choix...

La sournoiserie dont elle à fait preuve en début de combat me rassure sur ses capacités. Les dagues qu'elle cache n'ont pas pour objectif d'être tirées pour un combat à la loyale mais pour se défendre, et tous les moyens sont bon, même les plus lâches pour y parvenir. Celui ou celle qui déciderait de l'agresser n'aura pas la moindre étincelle de remords à user des plus abjectes techniques pour parvenir à ses fins ; il faut donc qu'elle soit capable de ruser pour s'en sortir.

Un esprit retors dans un corps frêle à bien plus de chance de survie qu'une cervelle bornée de principes dans une enveloppe musculeuse.

Je décide alors d'évaluer sa capacité à contrer et à esquiver, maintenant que je l'ai vue à l’œuvre à l'offensive.

J'avance droit vers elle en marchant, d'un pas déterminé mais modéré. N'utilisant que ma main droite, gardant l'autre en retrait, je décris un arc de cercle en avant, la lame dirigée sur sa poitrine.

Va-t-elle l'éviter ou contrer ma lame ?

C’est à son tour d’attaquer.

Je fais le vide en moi, me remémorant peu à peu les conseils avisés de mon père en la matière. Rapidité. Imprévisibilité. Fluidité. Ma concentration se renforce. Je suis des yeux chacun de ses mouvements, tentant de prévoir dans ses gestes la suite de ses actions, mais son sourire ne me laisse rien entrevoir. Je me résous par conséquent à attendre qu’il mette ses coups en pratique, devant élaborer au fur et à mesure des stratégies de défense.

Enfin, il attaque, visant ma poitrine en un large geste circulaire. Je me décale d’un pas tout en parant de ma senestre, laissant sa lame glisser le long de la mienne jusqu’à devenir inoffensive pour mon corps. Dans le même temps, ma neigeuse essaie de profiter de l’occasion pour plonger vers sa hanche, me suggérant cette opportunité plus de sa propre volonté que de mes déductions. Je ne l’ai jamais senti si enthousiaste à un affrontement, preuve qu’elle se délecte de cette rencontre pour une raison que je m’explique encore mal.

Mes gestes ont retrouvé un peu de leur fluidité de l’époque où je combattais plus régulièrement. Me plonger peu à peu dans le combat ravive les souvenirs de mon corps sans que je n’aie trop besoin d’y réfléchir. A faire ainsi jouer mes muscles, je me sens vivante. Les courbatures seront en revanche mon lot, je le crains.

Le son du métal résonne, vibre dans nos poignets. Nos lames se caressent avant de s'éloigner. Je ne la quitte pas des yeux, observant son air concentré.

Vraiment jolie...

Une réflexion qui me déconcentre une fraction de seconde et je vois sa dague de neige trancher l'air en direction de ma hanche. Pris de court, je pivote sur mes talons, saisissant son poignet droit au vol et l'entraînant une nouvelle fois de son élan en avant ; mais cette fois-ci ses jambes heurtent mon genoux et elle tombe sur le côté, retenue tout juste par ma main serrée sur son avant bras, ralentissant sa chute.

Nous restons figés un instant dans cette position, de mon côté par confusion, du siens, j'ignore encore si ce sera de la colère ou autre chose...

Le choc de nos lames provoque une forte tension dans mon poignet que je tente de réprimer, étant bien moins puissante de mon bras gauche. Il me faut concentrer toute ma volonté pour qu’il ne cède pas, laissant ma neigeuse et mon instinct porter le coup vers sa hanche, gardant un œil toutefois sur sa seconde dague.

Un instant de flottement chez mon adversaire. Le temps que je lève le regard vers lui, il a réagi à ma menace, attrapant mon poignet tout en pivotant sur lui-même. Il tente une nouvelle fois de profiter de mon élan, mais je résiste avec plus de fermeté, ayant déjà subi pareille leçon. Est-ce cette résistance qui provoque la suite ? Je l’ignore.

Mes jambes percutent violemment son genou, m’arrachant un cri de surprise teinté d’une vive douleur tandis que je me sens basculer. Une violente traction dans mon épaule m’apprend qu’il ne m’a pas encore lâchée. La chute est pourtant rude tandis que mon côté percute la poussière. Je lâche mes lames sous le choc, toujours retenue par mon poignet droit.

Un instant pour me remettre de ma rencontre avec le sol, j’arrache mon avant-bras à sa prise puis me remet rapidement sur pied, me rapprochant de lui comme une furie, les joues empourprées par la colère que je sens poindre en moi, nettement submergée pourtant en cet instant par l’amusement que je ressens. J’ignore pour quelle raison, mais j’ai réussi à le déstabiliser pour le faire perdre pied suffisamment longtemps pour en profiter.

Arrivée près de lui, je pointe un index accusateur sur son torse jusqu’à le toucher, plongeant mon regard dans le sien malgré ma taille plus petite que la sienne. Helevorn a l’air complètement perdu, et, peu charitable, je décide de profiter un instant de ce trouble pour le tourmenter un peu.

« Vous avez effrontément triché ! Je voulais m’entraîner aux dagues, la lutte ne m’intéresse en rien, sûrement pas avec un homme capable de me casser un bras avant que je n’aie eu le temps de réagir, ce dont vous n’étiez d’ailleurs pas loin ! »

Démentant mon propos, mon poing se referme tandis que je tape de l’arrière de ma main sur son muscle pectoral, pas assez fort pour lui faire mal –je doute de toute façon avoir suffisamment de force pour être efficace en cela– mais suffisamment pour illustrer la colère que je suis censée incarner.

Pourtant, je me rends bien compte moi-même ne pas être crédible, tant j’ai du mal à m’empêcher de sourire et à éteindre la lueur d’amusement qui doit briller dans mes yeux.

Elle se libère de ma poigne et se relève, la robe poussiéreuse. Une ride de colère se forme sur son front. Son index se plante sur mon torse.

Je crois un instant avoir à nouveau à faire aux conséquences d'un orgueil froissé, pourtant la lueur qui brille dans ses yeux et la commissure de ses lèvres qui pointe irrépressiblement vers le haut contredit mon impression.

Je sens Calyso nous couver du regard, sans doute prête à venir soutenir la jeune femme au détriment de ma blessure que toutes deux semblent avoir oublié.

Rhapsody joue pourtant à un autre jeu, et la complicité qui illumine ses prunelles m'incite à la suivre...

Je fronce alors les sourcils, prenant l'expression la plus sérieuse qu'il soit possible d'adopter en pareille situation.

"Ma chère, dans le combat rapproché, l'utilisation du contre et de l'esquive nécessite un contact physique. Que vous en ayez fait les frais démontre simplement que vous n'étiez pas suffisamment sur vos gardes. A terre, j'aurais pu vous..."

Une seconde de flottement, mon regard se perd sur son visage. Le petit air pincé qu'elle prend, et ce sourire qui pointe derrière son apparente hargne la rendent exquise.

"...vous tuer."

Un bref sourire avant de reprendre ma froideur, jetant un œil rapide à Calyso, les bras croisés sur sa poitrine, me toisant d'un air soupçonneux.

Une brise caresse mon visage, déplaçant quelques mèches d'argent dans mon cou, frôlant ma plaie. Piquante. Je pose ma main sur mon torse sanguinolent, et constate avec une grimace les coulures sur ma chemise...