Retour ?

Il est des voyages que l'on ne peut entreprendre que seul. J'aurais pu lui dire cela, lui mentir, essayer d'apaiser les craintes qui n'allaient pas manquer de l'étreindre.
J'aurais pu. Mais le besoin que j'avais de partir, de tout quitter, était plus fort, si vif, que je n'ai eu guère de mots pour lui. Pas un geste, je ne me suis même pas retournée, persuadée que ce qu'il y avait là-bas avait plus d'importance dans ma vie que ce que j'avais trouvé sur la terre des éléments. Le seul moyen de savoir si j'avais raison était d'y retourner. Pour voir où je me sentais le plus à ma place.

Ou peut-être pour laisser les gens du Temple choisir à ma place. M'accepteraient-ils à nouveau ? Avais-je seulement envie qu'ils me rendent la place qui était mienne auparavant ?
Je ne savais plus réellement ce que je voulais.
Je me sentais... Perdue... Incertaine.
Alors je prenais la fuite, quand il aurait été plus simple assurément de parler à ceux qui m'entouraient de ce qu'il se passait en moi. Tout ce doute. Cette impression de ne pas être complètement à ma place parmi les Étoiles... D'être invisible dans la nuit, quand d'autres brillent plus que moi.

Combien de temps étais-je partie ?
Parfois, il me semblait que cela n'avait duré que quelques jours, à peine de quoi inquiéter les gens qui m'entouraient. Parfois, au contraire, le temps semblait s'allonger, devenant des mois.

Pourtant, malgré mes doutes, mes questions, je me trouvais là, chez les Constellations. Chez moi peut-être. Je ne savais plus trop, perdue que j'étais.

Partirait-on si l'on savait les conséquences que notre acte aurait ?
Serais-je partie, si j'avais su que cela le ferait devenir tel qu'il était à présent, là, sous mes yeux ? Mes tourments intérieurs étaient-ils donc plus importants que son bien être à lui ?

Tout à coup, en le voyant ainsi, en face de moi, la honte m'envahit. Qu'avais-je donc fait ? Depuis quand étais-je donc si égoïste ? J'aurais du me douter que mon absence ne passerait pas inaperçue, au moins par lui. Qu'avais-je donc en tête ce jour où je suis partie ?
Les regrets étaient mordants, la honte brûlante.

Lentement, je m'avançais vers lui, ne sachant comment il allait m’accueillir. Avec colère ? Indifférence ?

-Loki...

Un simple mot, dit en douceur, presque comme un appel. Au secours.

Un instant, je cesse d'avancer. Ses mots, secs. Son soudain vouvoiement... J'ai l'impression de recevoir une gifle... Que je mérite sans doute.
Ainsi, il n'y a pas que son apparence qui a changé... Même ses yeux, toujours bleus, ne reflètent plus la même chose qu'avant. Ai-je eu tord de revenir ? Pendant une seconde, l'idée de fuit à nouveau me prend, mais je la refuse. Je n'ai plus le droit de fuir, je n'en ai plus envie non plus. Ce serait lâche, et je l'ai suffisamment été...

Alors je continue de m'approcher de lui. Ne laissant qu'un pas entre nous. Que nous comblerons je l'espère.

La suite de ses paroles me surprend. Je ne m'attendais pas vraiment à ça. Cela me déstabilise. Je m'attendais à de la colère, pas à cette constatation.
Il a changé, c'est vrai. Je ne l'avais jamais vu avec cette barbe sur le visage, avec cet air, cette façon de se tenir. J'ai changé aussi, ma main s'égare dans mes cheveux courts.

Nous avons tous deux changé, et ce changement me fait peur. A quel point a-t-il changé ? Tout a-t-il changé ?
J'ouvre la bouche, la referme. Je ne sais que dire. J'ai trop à dire.

Lorsqu'il en parle, mécaniquement, je porte ma main dans mes cheveux à présent court. Il faudrait que je m'empêche d'y passer la main, mais, depuis que je les avais coupé, c'était devenu un sorte de tic.
Il a fait attention à ce détail... Et il me complimente. Un mince sourire monte à mes lèvres tandis que je me dis que tout n'est peut-être pas perdu.

Ce simple compliment me fait franchir la mince distance physique qui nous sépare. Je me jetterais bien dans ses bras si je n'avais pas peur qu'il reste de marbre à ce moment là. Alors je reste comme ça, devant lui, plus proche de lui que durant ces dernières semaines. Je lève la tête, observe son visage, ce sourire que j'espérais.
Doucement, je lève ma main, la pose sur sa joue barbue, nouvelle sensation pour moi. Se rend-il compte à quel point cela lui change le visage ? Elle le fait plus dur...

-Tu m'as manqué...
Excuse moi d'être partie de la sorte...

Je baisse la tête tandis que ma main glisse de sa joue à son torse, et y reste.

Il ne veut pas que je m'excuse, mais me pardonne-t-il ? Je suis perdue, et je ne voudrais qu'une chose, qu'il me prenne dans ses bras. Mais c'est peut-être un peu trop tôt ?
Ou trop tard.

Pourtant, sa main me rassure, me donne un peu plus d'espoir. Est-ce que je devrais lui demander s'il m'en veut ? Au moins pour être sûre de ça, parce que ce serait mieux que de me dire que, peut-être, sans doute, il ne me pardonne pas mon départ.
Je relève la tête, prend le temps de le regarder, comme il me le dit.

-Je n'étais pas mieux que toi...
Je me suis arrêtée dans une auberge, je ne voulais pas que tu me vois dans l'état dans lequel j'étais...

J'arrête un instant de parler, me demandant si j'oserais aller jusqu'au bout de ce que je ressens. Quel intérêt ai-je à présent de cacher mes sentiments ?

-Je voulais que tu me trouves belle, comme avant...