Je ressens la lune qui se voile à mesure que les minutes s’écoulent. Une nuit d’avantage obscurcie par les innombrables épais nuages. L’hiver s’est installé, le vent du Nord de son souffle à gelé les dernières feuilles des arbres assez coriace pour s’enraciner avec rage sur les maigres branches de ceux-ci, comme si leur éphémère vie finalement en dépendait.
Dans cette grotte qui est devenue ma demeure, je perçois la froideur du temps. J’entends parfois le gémissement du souffle, il tente de me faire passer le message. Le Baron qui de son essence me transcende. Il me parle et me murmure les paroles oubliées. Il me fait vivre par son souvenir, par sa marque imposée dans ce vent. D’ailleurs il me montre … L’horizon doit être masqué par le brouillard.
Sorcière j’ai été, Sorcière je suis, et Sorcière je demeurerai. Suis-je donc si diminuée, que je ne puisse parvenir à sortir de ce trou ? Qui se cache derrière cette mascarade ? Je ne peux finir ainsi. C’est alors que je l’entends. C’est alors qu’il s’en vient. De son cri il déchire les ténèbres. De sa robe noire, il fait tomber une plume virevoltant avec grâce et démesure. Il est temps. D’un geste leste, je la saisis. Je l’observe minutieusement tout en entendant l’écho de son râle. Il attend hâtivement que je fasse le reste…
Alors, je sors ma dague de son fourreau, puis m’entaille la paume avec cette sensation euphorisante qui m’envahi peu à peu. Un sourire carnassier s’empare de mes lèvres, et enfin, j’imbibe le bout de la plume dans mon propre sang. La délivrance bientôt..
Je m’agenouille à même le sol, et commence à tracer des courbes qui s’entrecroise, puis dessine ensuite des symboles aussi vieux que le monde. Un grondement retentit. Je détourne la tête avec prudence. Sur le mur une fissure s’insinue, prolongeant sa strie un peu plus haut. S’en vient ensuite une incantation, les mots résonnent s’entrechoquant contre les parois faisant ce à quoi ils sont destinés. Sortilège et sorcellerie pour qu’une faille apparaisse dans la roche.
Lentement le corbeau ralentit son vol. Un prêté pour un rendu, il va laisser sa funeste vie tourbillonner dans l’air jusqu’à ce qu’enfin, la mort l’emporte. Destiné à trépasser pour me permettre de re vivre.
Qui l’envoie celui-ci, celui qui lègue sa propre existence pour que j’accomplisse cette étrange fatalité. Ce qui s’annonce n’est guère réjouissant, dans l’oracle tout s’effrite se déchire, se démantèle. Le temps joue contre ceux qui ont vu l’avenir. Sombre se dessine le proche future. Pour nous étoiles qui depuis la nuit des temps veillent, à quoi somme-nous assignés ? Nous anciens, nous ne pouvons disparaître. C’est ainsi.
L’antre se découvre laissant apparaitre à présent une béante ouverture. La roche saigne, s’extirpe s’éclate pour me laisser le passage. Point ne sais si j’ai réellement envie d’atteindre la sortie. Tant de choses semblent s’être passée. Il est probable que ceux que j’ai connus avant ne soient plus. Cependant ma tâche n’est point terminée. Alors je fais un pas, puis un autre …
Enfin je redécouvre le ciel nocturne. Les Constellations inondent le firmament de leur présence. Les nuages se sont retirés comme pour me faire don. Me laissant ainsi découvrir les Etoiles qui toujours susurrent inlassablement, sans aucune monotonie. Elles perdurent. Pour toujours et à jamais. L’Hydre enfin se révèle. Secouant son corps à ma vue.
Je fais le chemin à rebours, me rappelant les empreintes que j’ai laissé lorsque j’ai pris la direction opposée. Et je marche dans la fraîcheur de la nuit. Mordue en plein visage par la gelure. De mes lèvres s’écoule un maigre filet de sang de craquelures en craquelures, Un goût salin qui me prouve que je suis bien en vie.
Je suis de retours ….
Un peu plus que 25 lunes …
Mais je suis là …
Je m’approche ….
Je reconnais les arbres millénaires …
Ma chaumière …
Ma famille …
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