Les Gardiens de l'Equilibre

Bonjour à toutes et à tous,

Me voici donc au ciel... puisqu'ici résident les Constellations.
Ayant récemment été invitée à y passer, je prends donc le temps de le faire. Surtout en cette occasion à ne pas manquer: l'intronisation d'un nouveau Roy. Long soit son règne.
Je vous apporte donc les amicales salutations des Gardiens de l'Equilibre.
A savoir, Kronan de Bourg et moi-même, Suyvel Ayflesh.

En quelques mots, qui sont les Gardiens?
Nous sommes une faction neutre, dans le sens où nous ne nous impliquons jamais dans les luttes entre bien et mal.
Nous craignons que cette lutte incessante finisse par ravager notre monde, et sa préservation constitue notre but ultime.
En revanche, nous nous sommes rangés au côté des défenseurs de MZ face aux gobelins. Et si demain les orcs menacent d'envahir nos contrées, nous serons là de nouveau - dans la mesure de nos faibles moyens.
Nous ne sommes pas à proprement parler pacifistes mais il est exceptionnel que nous agressions qui que ce soit. Nous nous contentons généralement de nous défendre.
Tout un chacun peut solliciter notre aide, à titre individuel ou collectif, tant que cela ne remet pas en cause notre neutralité.
Nous mettons également nos compétences professionnelles au service de tous.

Quelques mots sur moi-même...
Jeune Elfe noire ayant quitté Menzoberranzan très tôt, je suis venue faire mes classes de magicienne sur Aéris.
Kronan et moi avions intégré à l'époque une faction, Terre des Eaux, une première expérience qui s'est avérée catastrophique pour nous.
Suite à cette déconvenue, Kronan et moi avons fondé les Gardiens de l'Equilibre, afin de coopérer au mieux et de conserver une certaine indépendance.
Exploratrice dans l'âme, je parcours ces terres pour mieux les comprendre et accroître mes connaissances. Coup dur, j'ai perdu ma marraine (Arwya) très tôt... ses conseils avisés m'ont fait défaut très vite.
Et il se trouve que mon parrain remplaçant n'est autre qu'Onizuka (coucou!).

Etant magicienne, je me suis naturellement tournée vers l'herboristerie et suis récemment devenue hermésiste.

Pour me résumer, j'ai eu récemment contact avec Ombre, devenu Roy depuis, qui m'a conviée à passer. Je ne connais pas grand-chose de votre faction et je viens y remédier, pour voir si nous pourrions bâtir des relations de confiance.

Puisse Eolia vous sourire.

Suyvel dévisagea son hôte, un instant surprise... l'air de se souvenir...

Tiens donc, un congénère, ici? Ah mais oui, c'est vrai... Je l'ai déjà aperçu plusieurs fois dans les auberges de MZ.

Elle en ressentit des sentiments partagés. Très jeune - dès qu'elle s'était sentie assez forte pour survivre par elle-même, en fait - elle avait fui les siens. Et n'en avait guère croisé depuis. Il est vrai que de toute façon, elle ne recherchait guère leur compagnie, ayant gardé une mauvaise image de ceux de sa race.
Mais la compagnie des humains, à laquelle elle s'était habituée depuis, n'avait rien de comparable à celle de ses semblables. Et en cet instant, elle comprit que cela lui avait finalement manqué... au moins un peu.
Et celui-ci semblait... disons... accueillant. Et c'était non seulement un Elfe noir, mais aussi un Aéride, comme Suyvel le constata en découvrant le pendentif sacré au cou de son interlocuteur. Amusant comme certains parcours peuvent sembler parallèles.

"Merci de me recevoir, Helevorn. Ce ne sont certainement pas les questions qui me manquent, alors si tu peux y apporter réponse, je t'en remercie d'avance. Et si, pour commencer, tu me faisais faire le tour de votre campement? Enfin, ce que j'ai le droit d'en voir, bien sûr..."

Ce domaine était superbe... mais avec la nuit qui tombait et la lumière des étoiles pour l'éclairer, il prenait une tout autre dimension. Presque irréelle, éthérée.
La visite en valait décidément la peine.
Charmée de ce tour du propriétaire, Suyvel suivit son guide jusqu'à ce qui devait manifestement être une taverne.
Alors qu'ils s'installaient à une table, elle eut la surprise de voir venir vers eux une gracieuse jeune femme aux traits délicats, à l'expression douce et bienveillante. Des traits caractéristiques des ennemis ancestraux de sa race.
Une elfe?!?
Involontairement, par pur réflexe, Suyvel se tendit, et sa main gauche, posée sur la table, se contracta un instant... le temps pour elle de réaliser que Helevorn ne semblait nullement troublé par la nouvelle arrivante. En revanche, il n'avait pas pu ne pas remarquer la réaction de son invitée.

"Que prendras-tu, Suyvel?" lui demanda Helevorn.

Suyvel se reprit rapidement. De toute façon, la demoiselle était manifestement chez elle. Pas Suyvel. C'était à elle de se tenir.
"Voyons... une spécialité locale, si vous avez ça? Je te laisse passer commande pour nous."

Et elle se leva pour saluer l'elfique apparition, qui se présenta sous le nom de Calyso.
"Enchantée de te rencontrer, Calyso. Et ma foi, oui, je mangerais bien quelque chose... Te joindras-tu à nous?"

La question surprit Suyvel elle-même, mais la curiosité avait été la plus forte. Comme souvent.
La soirée était décidément riche en surprises, et Suyvel était un peu nerveuse.
Après deux verres, la tension se relâcha considérablement et la conversation se débrida. C'est-à-dire que Suyvel, devenue bavarde, soumit ses deux interlocuteurs à un feu roulant de questions plus ou moins indiscrètes.
"Et alors, dans votre faction, vous avez chacun des attributions particulières? Quelles sont les vôtres? Ca fait longtemps que vous avez rejoint les Constellations? Tu m'as dit que Ombre s'était absenté, quand revient-il? Et Nadhir, est-il dans les parages? J'aurais aimé le rencontrer..."

Et comme Calyso s'absentait un instant, Suyvel glissa à Helevorn:

"Dis-moi, elle... elle est bien ce que je crois qu'elle est...?"

Question absconse mais bon, un drow pouvait comprendre un semblable sur ce genre de sujet.

A l'arrivée de Calyso, Suyvel se tendit, mais l'alcool aidant, sa langue se délia rapidement, laissant place à un torrent de questions. Essayant de suivre la cadence, aussi bien son levé de coude pour l'accompagner, que le flux permanent de ses questions, j'apportais les réponses qui me venaient, espérant qu'elle les comprendrait malgré l'effet de la bière.

"Et alors, dans votre faction, vous avez chacun des attributions particulières?"

"On peut dire ça comme ça...Calyso par exemple, est la cuisinière autoproclamée de la faction. Bibsou, son fiancé, est fournisseur officiel de bière et ambassadeur, comme moi."

"Ca fait longtemps que vous avez rejoint les Constellations? "

"En ce qui me concerne, pas vraiment, je suis arrivé il y a moins de six mois, et l'intégration s'est plutôt bien passée. Les Constellations comptent des étoiles qui brillent depuis de nombreuses années, cinq ans, six ans, voir plus."

"Tu m'as dit que Ombre s'était absenté, quand revient-il? Et Nadhir, est-il dans les parages?"

"Ombre revient d'ici deux jours, et Nadhir, je pense a peut près au même moment, peut être avant si tu es chanceuse."

Calyso s'était éloigné un moment, la drow en profita pour se rapprocher, me murmurant :

"Dis-moi, elle... elle est bien ce que je crois qu'elle est...?"

Je levais un sourcil avant de comprendre a quoi elle faisait allusion. Si j'avais vécu dans la peur, c'était bien plus dans la crainte des femelles drow que dans celle des autres elfes. A Che'el, les elfes étaient des esclaves de luxe, et une fois à la surface, j'avais su jouer de mes talents pour m'attirer les bonnes grâces des femmes, ce qui m'avait toujours assuré une place de choix a leurs côté, et par extension, aux côtés des hommes qui ne pouvaient que s'incliner devant leur volonté, même si nombre d'entre eux, par jalousie, rêvaient de me pourfendre...

"Calyso est une elfe oui, mais tu n'as rien à craindre." lui répondis dans un sourire.

"Calyso est une elfe oui, mais tu n'as rien à craindre", lui répondit Helevorn dans un sourire.

Rien à craindre? Normalement, c'étaient les elfes qui avaient tout à craindre des drows... puis Suyvel réfuta énergiquement cet argument. Magicienne maintenant confirmée, elle avait eu le temps de la conversation pour apprécier les forces de sa consœur elfe. Et elle s'était vite rendue compte qu'elle avait affaire à une aînée. Un conflit était bien sûr exclu ici, mais de toute façon Calyso aurait eu nettement l'avantage.

En revanche, elle était intriguée de la visible incompréhension première de Helevorn. Certes, elle n'avait guère explicité son propos, mais tout de même... La curiosité la reprit, mais elle se refréna, reprenant le cours de l'agréable conversation.
"Donc tu es ambassadeur? Auprès d'une faction en particulier? Et dis-moi, traitez-vous des affaires avec les autres Factions? Des accords commerciaux, par exemple... Au fait, avez-vous un endroit dédié aux affaires dans votre cité?"

Puis au détour d'une phrase jaillit spontanément l'inévitable question:
"Et toi, d'où viens-tu?"

Suyvel m'abreuva d'un nouveau flot de questions.

"Donc tu es ambassadeur? Auprès d'une faction en particulier? Et dis-moi, traitez-vous des affaires avec les autres Factions? Des accords commerciaux, par exemple... Au fait, avez-vous un endroit dédié aux affaires dans votre cité?"

"Je suis Ambassadeur auprès des Sapere Aude avec qui nous avons un PNA qui mute en alliance, et plus récemment, j'ai pris l'Ambassade de l'Alliance, avec qui nous sommes ouvertement en conflit. J'ai pour mission de passer chez eux de temps à autre pour nous tenir au courant des évènements. Pour ce qui est du commerce, chacun fait ce que bon lui semble, et je n'ai pas connaissance d'un lieu dédié au commerce ici même."

Sa seconde question me laissa sans réaction l'espace d'un moment, ma vie avait été si complexe, et ...peu commune...

"Je viens...de la Cité perdue, dumoins j'y suis né...Si tu souhaites en savoir plus sur moi, tu trouveras un mémoire ici même qui te renseignera précisément sur mon identité, si seulement tu souhaite la découvrir..."


[ https://constellation.keuf.net/t1500-l-heritier-noir ]

Je venais de rentrer de mission et voulait me calmer en buvant une bonne bière à la taverne. Et si l'occasion venait je passerai une bonne nuit rassurante et reposante dans les bras de ma tite femme.

Je rentrait dans la taverne et soudain je voit helevorn en grande discution avec une de ses congénères.

Une deuxième elfe noir comme c'est étrange et rare par içi pensait je.

Aussi ni une ni deux je m'avance au devant de cette demoiselle et me présente.

Bien le bonjour étrangère, je suis bibsou. A qui ai je l'honneur de m'adressé?

Je prend une chaise et commence à m'installer la table ou les deux elfes noirs discutent.
Et je vais me servir trois choppe de bière givré pour revenir donner deux autres choppes aux deux elfes, attendant les réponses de cette jeune demoiselle.

Helevorn tendit à Suyvel un rouleau de parchemins. Elle haussa un sourcil en comprenant de quoi il s'agissait: ses mémoires.
Diantre, il y en avait des pages!
Suyvel se trouvait parfois bavarde, mais lui était franchement prolixe.
C'était d'autant plus surprenant de la part d'un guerrier. Mais bon, elle ignorait son parcours. Du moins, tant qu'elle n'aurait pas pris connaissance de la masse d'informations contenue dans ces parchemins. Se connaissant, elle savait déjà qu'elle n'y manquerait pas, mais pas là, pas maintenant, en plein milieu d'une intéressante conversation.

Elle fut stoppée dans ses pensées par l'arrivée d'un troisième représentant des Constellations, un guerrier lui aussi, dénommé Bibsou. Elle ne le connaissait pas, elle en était quasi-sûre... et pourtant son nom lui était vaguement familier. Ah mais oui, cela lui revenait: Helevorn lui avait glissé un mot à son sujet en lui parlant des attributions de chacun. Bibsou était le caviste et aussi le fiancé de Calyso.

"Bien le bonjour, Bibsou, je me nomme Suyvel", fit-elle avec le sourire.
Et Suyvel de reprendre sa présentation personnelle du début, en sirotant la bière que Bibsou lui offrait.

Lorsque ce fut fait, elle invita Bibsou à se présenter lui-même, espérant en apprendre un peu plus.
Profitant de ce que ce n'était plus elle qui parlait, Suyvel fit honneur aux plats de Calyso.
Lorsque cette dernière prit la parole, Suyvel l'écouta avec attention mais son intérêt fut plus spécifiquement éveillé par la mention de son métier.

Évidemment, c'est une consœur herboriste, songea-t-elle.

"J'aurais plaisir à discuter plantes avec une éminente collègue. Et hermésiste, je présume? Je débute dans ce métier."

Suyvel terminait son repas lorsqu'une question pratique lui vint à l'esprit.
"Dites-moi, si à l'avenir je souhaitais diffuser une offre de vente/achat/échange auprès de l'ensemble de votre faction, y aurait-il un endroit propice où placarder un avis?"

La soirée s’avançait lorsque deux étoiles majeures firent leur apparition. Cela tombait sous le sens : c’est après le coucher du soleil que l’on voit le plus d’étoiles…

Ce fut d’abord Nadhir qui vint se joindre au petit groupe. Suyvel, sans même y penser, se leva pour le saluer. C’était leur première vraie rencontre et Suyvel le détailla avec le plus grand intérêt : son port altier, la subtilité de son aura – puissante mais contenue – et son regard intense. Sa présence emplissait la pièce.

Suyvel se repaissait de cette puissance discrète. Il était rare de la rencontrer chez les humains, leur courte vie ne leur laissant guère le temps d’amasser les connaissances et l’expérience nécessaires. Elle se demanda brusquement quel âge il avait atteint. Certes, il paraissait jeune… trop, bien trop pour un humain de son expérience. Suyvel se demanda s’il ne recourait pas à la magie pour maintenir sa jeunesse. En tout cas, son apparence n’était pas le fruit de quelque sortilège d’illusion : les Elfes noirs y étaient naturellement réfractaires. Puis elle se souvint qu’elle avait face à elle le premier hermésiste de la Terre des Eléments. Avait-il mis au point un quelconque philtre de rajeunissement ? Trouvé la recette de l’éternelle jeunesse ? Hermésiste débutante, Suyvel ne pouvait qu’imaginer les potions miraculeuses accessibles à un maître dans son art.

Toute à sa contemplation, Suyvel restait silencieuse et ce fut Nadhir qui prit la parole.

"Bonjour, Suyvel, c'est un plaisir de vous revoir. C'est encore à la recherche de pierres en tout genre que je vous retrouve en compagnie de deux de nos vaillants mineurs?"

« Bien le bonsoir, Nadhir. Heureuse que nous nous rencontrions enfin. Ma visite n’est pas motivée par le commerce, mais bien par l’invitation du nouveau Roy, que j’ai rencontré en personne il y a peu. Et si vous me trouvez en compagnie de deux de vos vaillants mineurs, n’y voyez aucune manœuvre de ma part : Helevorn m’a spontanément reçue en votre belle cité, et Bibsou s’est joint à nous de lui-même. »
« Mais puisque vous abordez le sujet, je ne mésestime pas la place du commerce dans toute diplomatie. Les échanges commerciaux ont toujours facilité les contacts. Et j’espère pouvoir commercer avec les Constellations à l’avenir. Le fait que deux mineurs se trouvent à cette table est probablement de bon augure. (un sourire en coin) Un signe du destin, qui sait ? Mais vous Nadhir, connaissez mieux que moi l’intérêt de l’hermésiste pour les travaux de minage… »
« Si Helevorn, Bibsou, ou tout autre membre des Constellations disposait de ces ressources – ou d’un peu de temps libre pour en extraire – je serais ravie de faire affaire. Je crains que mon fournisseur habituel, Kronan, ne soit sollicité de droite et de gauche et au final perpétuellement débordé… »

Ce fut ensuite Ombre qui entra dans la taverne. Le nouveau Roy faisait son apparition. Même si pour l’heure, sa tenue toute en sobriété le ferait passer pour n’importe quel rôdeur. Mais Suyvel l’avait vu les armes à la main il y a peu, et là il ne ressemblait plus à tout un chacun. Dans sa prime jeunesse, Suyvel avait fréquenté Melee Magthere – l’académie militaire de Menzoberranzan – et s’était essayée au maniement de l’arc. Elle y avait montré un certain talent. Si son passage à Sorcere – l’académie de magie – n’avait pas révélé des dispositions particulières pour le Grand Art, elle aurait pu devenir rôdeuse. Elle l’avait envisagé. Sa curiosité pour la magie avait été la plus forte. Elle ne deviendrait jamais une experte de l’arc. Mais elle en connaissait les bases et avait pu apprécier la virtuosité d’Ombre dans ce domaine.

Leurs deux premières rencontres avaient été sans aucun cérémonial. Cela aurait été déplacé vu les circonstances. Cette fois, Suyvel décida de ne pas déroger au protocole et fit une révérence au nouvel arrivant, même si l’ambiance décontractée ne s’y prêtait guère.
Et la première phrase du Roy ne fut pas plus protocolaire.

« J’espère que, cette fois-ci, notre rencontre ne sera point perturbée par quelque manant. »

Suyvel ne put réprimer une grimace. De contrariété et de souffrance. L’incident était fraîchement inscrit dans ses souvenirs, et fort déplaisant. Sa première rencontre avec Ombre devait se faire à la faveur d’un échange commercial. Malheureusement, un nuisible s’était incrusté et malgré l’intervention d’Ombre et de Siiix, présent fortuitement, il l’avait attaquée et dépouillée. Et Suyvel avait dû se résoudre à un petit tour chez la Recycleuse.

« Je vois que mes amis ont bien pris soin de toi. Les Constellations ont été et seront toujours de bons hôtes. »

Suyvel le dévisagea un instant. Elle se demandait s’il y avait là quelque message subliminal… à l’intention de ses troupes pour les exhorter à faire bon accueil aux visiteurs ? Ou bien s’agissait-il d’auto-congratulation ? Le Roy était-il fier des lois de l’hospitalité en vigueur ici ? Il est vrai qu’elle aurait difficilement pu s’en plaindre, étant donné la qualité de l’accueil.

« Contente de te revoir… Majesté (un clin d’œil en réponse au sien). Au vu de ta missive, il m’avait semblé que tu souhaitais m’entretenir de politique, je ne sais si c’est bien le lieu… mais si nous trouvons un moment pour débattre, ce sera avec plaisir. »

Et la conversation reprit de plus belle. Suyvel porta alors un nouveau regard à Nadhir. Elle avait cru discerner quelque chose dans ses yeux, l’espace d’un instant… était-ce parce qu’elle l’avait un moment dévisagée ? L’avait-elle mis mal à l’aise ? Son expression avait semblé se troubler, comme s’il avait eu une absence. Ou peut-être une réminiscence.

« Où en êtes-vous donc de vos expériences hermésiques? »

La question à un million de PO.
La question du maître à l’élève… même si Suyvel n’avait pas la chance d’être son disciple.

« Ma foi, j’ai eu le plaisir de mener mes premières expérimentations pratiques. Avec succès, ce qui est encourageant pour la suite… et m’a évité de gâcher des ressources précieuses. Bien sûr, j’en suis encore au tout début, et je ne travaille que sur deux recettes, les potions amplificatrices de force et d’esprit. Au fait, sauriez-vous s’il en existe d’autres accessibles à mon niveau ? »

Encore une question indiscrète, mais lorsqu’il s’agissait d’apprendre, Suyvel avait beaucoup de mal à se contenir. Et question indiscrétion, c’était Nadhir qui avait ouvert le feu…

Suyvel a l’air fascinée par Nadhir, par ses expériences
hermésiques. Je le lis dans ses yeux.

« Contente de te revoir… Majesté. Au vu de ta missive,
il m’avait semblé que tu souhaitais m’entretenir de politique, je ne sais si
c’est bien le lieu… mais si nous trouvons un moment pour débattre, ce sera avec
plaisir. »

En effet, je ne vous ai pas invités pour parler Politique
mais plutôt pour faire connaissance. Je prends seulement mes fonctions et j’ai
besoin de prendre mes marques avant d’entamer des discussions politiques ou
encore philosophiques sur la portée du bien, du mal ou encore de la neutralité
que vous prônez.

Un petit sourire à destination de l’invitée.

Mais, tu m’avais parler de ton compagnon, Kronan, a-t-il
peur de se joindre à nous ? Il n’a rien à craindre ici tu sais. Nous
pouvons également lui envoyer une missive pour qu’il trouve le chemin si
l’obscurité de notre forêt l’effraie dis-je avec un grand sourire.

Comme tu le constates je suis fier de l’accueil qui est fait
ici aux voyageurs et aux invités. Les Etoiles savent recevoir et savent aussi
guider. Mais sache aussi que nous savons recevoir les intrus en tout genre de
la meilleure des façons.

Je laisse volontairement planer un long silence.

Un regard vers Nadhir, perdu dans ses pensées hermésiques.

Eh bien, je sens que vous avez des choses à vous dire tous
les deux.

Un bras tendu vers ma chope que je vide instantanément. Mes
yeux tournés vers Nadhir un coup, vers Suyvel un autre attendant de voir lequel
allait reprendre les hostilités et le feu des questions.

Suyvel adressa un sourire à Ombre.

« Fort bien, profitons donc de cette agréable soirée pour faire plus ample connaissance. Je crois t’avoir déjà dit pas mal de choses sur ma faction et sur moi-même… mais si tu as des questions, j’y répondrai bien volontiers. Et pour le débat politico-philosophique, je reste à ta disposition. »

Suyvel regarda Ombre d’un air éloquent, l’invitant du regard à se présenter lui-même. Après tout, que savait-elle de lui ? Il lui tardait de connaître son histoire.

« Mais tu m’avais parlé de ton compagnon, Kronan, a-t-il peur de se joindre à nous ? »

Aïe. C’était la seconde fois qu’Ombre la questionnait au sujet de son barbare de compagnon. La première fois, elle s’était contentée d’ignorer la remarque. Mais à la seconde, il serait incorrect vis-à-vis de son hôte de ne pas répondre.

« Il n’a rien à craindre ici, tu sais. »

Aïe aïe aïe. Lui n’aurait peut-être rien à craindre (encore que !), mais Suyvel craignait que ce ne soit pas le cas pour tout le monde…

« Nous pouvons également lui envoyer une missive pour qu’il trouve le chemin si l’obscurité de notre forêt l’effraie… »

Houlala. Suggérer qu’un barbare puisse avoir peur, même pour plaisanter, c’était pour eux une injure mortelle. Et s’exposer à de sérieuses complications. Suyvel avait bien compris, au fil du temps passé avec son équipier, que les barbares pouvaient être très chatouilleux sur certains sujets. Si elle-même avait été un homme, elle aurait déjà pris des châtaignes suite à quelques phrases maladroites à son endroit. Or la peur représentait pour eux la honte suprême. Un barbare n’avait jamais peur. Il ne savait pas ce que c’était. Par exemple, il ne fuyait jamais un combat. Au pire, il opérait un repli stratégique pour pouvoir reprendre le combat plus tard, dans de meilleures conditions. Dans la catégorie tabou, il y avait le froid, aussi. Un jour d’hiver que Suyvel s’inquiétait de voir Kronan si peu vêtu pour la saison, il lui avait rétorqué brutalement :
« le froid, c’est un truc de fille. »

Ah bon.

« Sache aussi que nous savons recevoir les intrus en tout genre de la meilleure des façons. »

Ca, Suyvel n’en doutait pas. Et pas que les intrus, malheureusement. Elle hésitait à tout lui dire maintenant.
Suyvel chercha désespérément une porte de sortie… Elle n’en trouvait guère, et sentait le regard interrogateur d’Ombre sur elle, s’étonnant probablement de son silence gêné. Elle finit par laisser échapper un faible soupir, de résignation.

« Eh bien, Majesté, puisque tu me parles de mon équipier… J’avais eu l’intention d’aborder le sujet avec toi, bien entendu, mais plus tard, dans un deuxième temps… durant un second entretien en tête-à-tête, cela aurait été parfait. Là, en public, je m’en voudrais que ce genre de sujet polémique vienne gâcher cette agréable ambiance. »

Une pause, puis :
« Si je n’ai nullement matière à me plaindre des manières des Constellations, ce n’est pas le cas de Kronan. Il m’a rapporté avoir subi des agressions gratuites répétées – ou tentatives d’agressions ayant tourné en course-poursuite – de la part de plusieurs des membres de ta faction. J’utilise sciemment le terme d’agression gratuite car Kronan m’a assuré ne s’être livré à aucune provocation, et je le crois. Je te prie de ne voir dans mes paroles aucune injure, aucun jugement de valeur, aucun manque de respect, car tel n’est pas mon propos. »

« Je crains fort qu’il ne se soit construit une image déplorable des Constellations. Lorsque nous avons reçu ton invitation, il m’a clairement dit qu’il ne viendrait pas. S’il avait croisé ici un de ses agresseurs, son bouillant sang de barbare aurait pu le pousser à manifester un soupçon de contrariété. En le décapitant, par exemple. Les barbares ont le contact direct et très franc, vois-tu. C’est pour cela qu’il m’a semblé infiniment préférable de venir non accompagnée. »

« Comme je te le disais, j’avais en tête d’aborder ce sujet avec toi plus tard, pour voir ce qui pouvait être fait afin d’y remédier. Après tout, il n’y a pas eu mort d’homme, je crois la chose réparable. Kronan est certes d’un caractère entier mais à côté de pas mal de ses semblables, il est raisonnable et pas plus rancunier que cela. Voilà ce que je voulais te dire à son sujet. Nous en reparlerons quand bon te semblera. »

Inutile de bousculer Ombre davantage. Le silence qui s’était établi autour de la table donnait déjà à Suyvel l’impression d’avoir lancé un pavé dans une mare. Tout ce qu’elle espérait, c’était d’avoir fait preuve d’assez de tact pour ne pas le froisser. Elle lui laisserait tout le temps qu’il souhaiterait pour apporter réponse. Et afin de lui donner le temps de la réflexion, elle revint à son second interlocuteur, Nadhir. Celui-ci eut la bonne idée de reprendre le fil de leur conversation sur l’hermésisme. Grâce lui en soit rendue. La tension de l’instant précédent s’étiolait, et Suyvel elle-même fut bientôt absorbée par son sujet fétiche. La voix de Nadhir, chaleureuse et posée, y était pour beaucoup.

« Que ça vous encourage donc sur votre lancée, vous êtes probablement plus douée que moi, même si l'hermésisme est loin d'être uniquement de l'inné. »

Le visage de Suyvel s’illumina d’un authentique sourire de contentement. Le compliment avait porté et elle ne pensa même pas à le dissimuler. Il savait manifestement flatter les gens, songea-t-elle distraitement. Pour l’heure, elle l’écoutait avec la plus grande attention. En fait, elle buvait littéralement ses paroles.

« Si, ou quand, vous vous sentez prête, je pourrais à l'occasion vous montrer quelques autres recettes… »

Une invitation à partager quelques unes de ses connaissances en la matière ? Suyvel faillit bondir de sa chaise.

« Je vous en prie, ne me faites point languir davantage, et levez donc un coin du voile pour moi. Sur quelles recettes puis-je espérer que vous m’instruisiez lorsque j’aurai atteint le niveau supérieur ? »

Au fond des yeux de Suyvel dansait un véritable feu de joie.

Suyvel écouta la réponse d’Ombre sans l’interrompre. Il préférait ne pas entrer dans les détails et reporter la suite à un futur débat ? Très bien. Cela convenait à Suyvel. Autant continuer sur la lancée de leur agréable discussion. Et Ombre ne semblait pas avoir pris ombrage (1) du propos de son interlocutrice. Parfait. Quoiqu’il sembla par la suite se perdre dans ses pensées et la dive bouteille.

En revanche, Ombre ne paraissait pas devoir donner suite à l’invitation de Suyvel à se présenter à son tour. Peut-être n’avait-il pas capté son message? Ce dernier avait certes été subliminal. Puis Suyvel se dit qu’il avait dû l’oublier, ses pensées probablement monopolisées par son exposé au sujet de Kronan. Cela l’ennuyait, car après tout elle était venue pour faire connaissance. Et maintenant qu’elle y pensait, cela excitait sa curiosité. Elle n’hésita donc pas longtemps avant de relancer son hôte.

« La soirée s’avance et l’heure tardive me semble propice aux récits. Ô Roy, nous feras-tu le plaisir de nous narrer ton histoire ? J’imagine être la seule ici à l’ignorer encore, mais je suis bien certaine que l’évocation de quelques uns de tes hauts faits réjouira tout un chacun. »

« Mais peut-être l’as-tu déjà mise par écrit ? Je m’y pencherais bien volontiers, mais… (un geste vers les parchemins que lui avait prêtés Helevorn) comme tu le vois, j’ai déjà de la lecture pour un bon moment (un sourire en coin pour Helevorn). Et je serais comblée d’entendre ton histoire de ta bouche. »

Suyvel se renversa confortablement dans sa chaise, certaine que le récit qui allait suivre prendrait un long moment. Et en vaudrait certainement la peine.

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(1) Oui je sais, elle était facile, celle-là…

Dans un premier temps, l’espoir d’entendre quelque épopée héroïque s’éloigna. Ombre semblait réticent à se lancer dans le récit de son passé. Modestie? Fatigue? Ennui d’une énième redite? A moins que… son passé ne fut pas aussi épique qu’elle le présumait. Suyvel songea brusquement qu’elle lui avait peut-être joué un mauvais tour. L’avait-elle placé dans une position peu confortable? Après tout, sa glorieuse condition actuelle ne reflétait pas nécessairement son parcours à ses débuts.

Toutefois Ombre l’invitait à prendre connaissance des écrits narrant ses origines, signe que sa vie d’avant n’était pas non plus secret d’état. Une phrase retint particulièrement son attention : ainsi, les Constellations avaient leur propre bibliothèque?

Le regard de Suyvel étincela. Ombre l’invitait à entrer dans ce lieu sans doute chargé d’un savoir millénaire. Pour la boulimique de connaissance qu’était Suyvel, c’était comme se voir confier la clé de la chambre au trésor. Faire entrer Suyvel dans une bibliothèque n’était pas un problème, l’en faire sortir relevait du prodige. Mais cela, les Constellations le constateraient plus tard, à leurs dépens.

Et finalement, Ombre conclut sur une ouverture que Suyvel n’attendait plus.
« Si tu veux connaître mon présent et mes faits d’armes sous le blason de Etoiles, il te suffira de me le demander; même si je ne pense pas être un excellent conteur, je pourrai toujours laisser parler mon cœur. »

Et comment donc! Suyvel s’engouffra dans la brèche.
« C’est avec plaisir que je visiterai votre bibliothèque. L’un d’entre vous occupe-t-il des fonctions de bibliothécaire? Cela me donnera l’occasion de revenir vous voir… (elle ne jugea pas utile de préciser que ce serait probablement beaucoup plus vite et plus longtemps que ce qu’il pouvaient imaginer) Mais pour l’heure, je serai ravie de t’entendre narrer tes hauts faits parmi les Etoiles. »

Ombre avait proposé de laisser parler son cœur, et Suyvel était impatiente de découvrir ce qui le faisait battre.